Fin septembre 2020, quelques personnes qui ne se connaissaient pas se sont réunies au Centre culturel de Dison pour créer le premier podcast de leur vie.

Présence vous emmène dans les coulisses d’un atelier expérimental qui s’est concrétisé par l’enregistrement d’une bande originale autour de la confiance.

Des paroles fortes, émouvantes, ponctuées d’espoirs, mais aussi de désillusions... Bienvenue dans "Les voix de passage".







Le premier jour d’un atelier, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Cette affirmation vaut tant pour les participant·e·s que pour les animateur·trice·s. C’est d’autant plus vrai en ce 29 septembre 2020 qu’il s’agit d’une proposition nouvelle pour le Centre culturel de Dison : utiliser le son et ses possibilités infinies pour permettre l’expression citoyenne lors d’un atelier podcast. Vaste programme. Cinq après-midi, c’est le temps imparti pour imaginer, concevoir et enregistrer des capsules individuelles et collectives autour d’un thème commun à définir.

PLAY

Chaque séance donne lieu à des enregistrements : portraits croisés, chroniques, textes descriptifs ou narratifs... Parfois, l’enregistreur est simplement posé sur la table, on le laisse capturer les échanges, capter les différentes vibrations de la pièce.

C’est qu’au fur et à mesure des ateliers se développe un appétit féroce pour la chasse aux sons: que se passe-t-il si le micro est placé ici? Et là? Et ma voix, comment sonne-t-elle si je me place ici? Ou là?

L'expertise d’animateur·trice grandit avec le groupe, un savoir-faire se construit avec lui et grâce à lui. Chaque exercice est une occasion d’implémenter dans notre cartographie du podcast de multiples apprentissages.



PAUSE

Le troisième atelier est décisif, c’est le moment de conduire le processus qui déterminera le thème du podcast. "Confiance", voilà le mot qui émerge du groupe au terme des échanges. On creuse, on affine les perceptions, on met des mots sur les mots. Abuser, perdre, gagner, regagner, donner, établir, apprivoiser. Le thème et quelques portes d’entrée surgissent des interstices, cet amas de possibilités s’est matérialisé sur le tableau, il s’agit maintenant de trouver le moyen de le faire résonner au micro.

Quelles seraient les différentes manières de traiter un sujet à l’audio ? Témoignage, récit de vie, conversation, débat, analyse critique, conte... Chacun·e s’imprègne de la facette qu’iel souhaite approfondir.

 

REC

Mardi 27 octobre, c'est le dernier jour d'atelier, c'est aussi le jour de l'enregistrement. La confiance, thème qui va traverser les capsules des participant·e·s, plane dans les têtes et se concrétise sur quelques feuilles de brouillon.

Si la composition du groupe a été sujette à quelques variables, cet après-midi scelle pour de bon les noms qui figureront au générique de ce premier épisode de "Voix de passage", le podcast du Centre culturel de Dison.

Christel, Claudine, François, Grace, Mariama, Montserrat, Steph... À vous de jouer, le petit studio improvisé dans la salle du Rez n'attend que vous pour faire sa récolte...


Extraits
Du personnel vers l'universel

Nous vous dévoilons ci-après quelques plages sonores mises à l'écrit, une partie des réflexions portées au micro par les participant·e·s. Beaucoup d'autres sont à découvrir à l'audio!

Mariama est la première à se lancer, elle nous livre sa définition de la confiance : "Pour moi, c’est le courage, le courage de faire ce que tu ne pensais pas être capable de faire. Au début, j’avais honte de parler devant les gens, je suis allée à l’école d’alphabétisation, mon formateur m’a encouragée, j’ai commencé à parler petit à petit. Maintenant, même si je fais des fautes en parlant, j’ai le courage de parler, j’ai confiance en moi."

Ensuite, Christel, Montserrat François et Mariama se lancent dans une sorte de table ronde, échangent leurs points de vue sur des questions choisies au préalable.

De quoi avez-vous besoin pour faire confiance à quelqu'un?

Montserrat répond sans hésitation "du temps, de l'analyse, pour voir comment la personne se comporte, comment elle réagit avec les gens." Christel amène un angle différent : "Moi ce dont j’ai besoin, c’est de bienveillance, j’ai besoin d’être sûre que la personne en face de moi est quelqu’un de bon. Ça va plus être une question de comportement que de temps". François ajoute: "On dit souvent qu'il faut beaucoup plus de temps pour gagner la confiance que pour la perdre, ça se perd en une fraction de seconde alors que ça met parfois des années à se gagner."

 

Est-ce que vous vous sentez en confiance quand vous êtes dehors, quand vous vous promenez, quand vous êtes en public?

En ce qui concerne le lien entre confiance et environnement, François admet qu'effectivement, le lieu où l'on se trouve à une incidence sur nos comportements : "La confiance est aussi très influencée par le milieu, l’endroit où on est, si on est dans son cocon dans sa chambre, dans la rue où on peut sentir le regard des autres, sur une scène si on fait du théâtre, ou ici pendant l’enregistrement d’un podcast!"

Pour Christel, cela implique aussi une question de confiance en l'autre: "Ma confiance en moi reste plus ou moins la même plus ou moins tout le temps, par contre, il y a des endroits ou des moments de la journée où je ne me sens pas en sécurité, c’est peut- être aussi parce que je suis une fille."

Faire preuve de confiance en soi, est-ce que ce n'est pas perçu parfois de façon péjorative?

La confiance en soi, il en est souvent question, et le dosage semble avoir son importance, comme le dit justement Christel : "Il y en a qui n’osent pas avoir confiance en eux, de peur d’être vaniteux ou arrogant. Beaucoup de personnes trouvent que si on a confiance en soi, on n’est pas humbles. Pour moi, ce sont deux choses différentes, avoir confiance en moi, c’est croire en mes capacités à réussir ce que j’ai envie de faire, à construire quelque chose de bien, de beau, pour moi et pour les autres."

Pour Mariama, Montserrat et François, la confiance en soi revêt une importance capitale dans nos existences: "C’est la première étape d’une ouverture, c'est l’étincelle pour allumer le feu des projets que l’on veut faire."

De confiance en soi et en l'autre, il en est beaucoup question dans le témoignage de Steph, qui évoque sans détour son épuisement professionnel, plus communément appelé burn-out: "Médicalement ça s'explique, l'organisme se met à l'arrêt, ne produit plus les hormones qui permettent d'avancer. Le corps est fatigué, il a besoin de se reposer. Le jour où tout s'arrête, mentalement, c'est un grand vide intérieur, on remet en cause ses propres capacités, on se sent en état de handicap."

Le lien avec la perte de confiance en soi et en les autres est malheureusement inhérent à cette maladie : « C'est une grosse remise en question, pas que professionnelle, C'est une véritable crise de vie." Un moment de basculement qui, comme le raconte Steph, nécessite un long parcours de reconstruction : "Cela nécessite un travail d'introspection, qui commence par le fait d'accepter que ce soit une maladie, que le corps est épuisé, qu'il doit se reposer. C'est important de se mettre des petits challenges, de sortir de sa zone de confort. Aujourd’hui, je suis mon meilleur ami pour essayer de me sortir de cette situation, ça m'a poussé à mettre mes limites, à m'aimer et me respecter."

Sans que cela ait été prémédité, une réalité frappe au terme de cette expérience. La confiance était l'une des valeurs fondamentales à insuffler dans le groupe, comme une huile pour graisser les rouages.

Christel, Claudine, François, Grace, Mariama, Montserrat et Steph ont eu assez de confiance pour se laisser porter par ce projet, même s'il n'a pas toujours été exempt de doutes ou de remises en question.

Les voix ont été posées, enregistrées et c'est comme si déjà elles s'étaient envolées, qu'elles ne nous appartenaient plus. C'est maintenant dans l'écoute et la résonance que leurs réflexions trouveront un écho.

Le trait d'union entre ces cap- sules, c'est leur portée à la fois intime et universelle, de leurs cordes vocales à vos cordes sensibles.

Le podcast "Les voix de passage" est à retrouver sur Spotify, Soundcloud, Youtube ou sur le site ccdison.be


C’est quoi un podcast?

Pour faire simple et brasser large, un podcast pourrait être défini comme du contenu audio disponible sur le web. Un podcast vient des mots broadcast (diffuser) et pod (iPod) : c'est donc la diffusion d'épisodes audio disponibles sur le web ou sur des applications dédiées comme iTunes, Spotify, Deezer...

À la différence des podcasts radio, qui sont majoritairement des replays d'émissions sur Internet. les podcasts natifs sont des créations originales disponibles uniquement en ligne.

Et la différence avec la radio?

La principale différence entre les deux médias réside dans la liberté que le format podcast offre tant aux réalisateur.trice·s qu’aux auditeur·trice·s. Comme la plupart des créations web, le podcast permet plus de possibilités de création, que ça soit au niveau de la forme ou du contenu, mais aussi de la production. Il n’est pas coincé dans la grille horaire d’une radio et n'a pas non plus autant de pression dans les délais de diffusion.

Pour l’auditeur aussi, l’expérience podcast est très différente de la radio : on écoute le podcast que l’on choisit de télécharger, puis une fois qu’il est sur son téléphone, on peut l’écouter quand on le veut et où on le veut. Ce n’est pas un hasard si le podcast s’est développé en même temps que les smart- phones : il a fallu attendre que la consommation mobile se généralise pour que le podcast puisse être téléchargé facilement et qu’il rentre véritablement dans les habitudes des consommateurs.

Un média hors normes

Cette notion de liberté qu’offre ce média a immédiatement séduit le Centre culturel de Dison. En effet, les podcasts permettent d’aborder des thématiques peu abordées dans les médias généralistes et de s’affranchir des structures médiatiques non représentatives de la diversité.

Le podcast est un endroit où l’on peut simplement exister en tant que personne, pour montrer son univers, donner son avis, ses recommandations et ses critiques.

De plus, il offre un certain anonymat à son auteur.e qui peut se libérer du diktat de l’apparence (ce qui n’est pas rien dans une société d’image) ce qui renforce aussi l’effet de "bulle sécurisée" du podcast où l’on peut témoigner à l’abri du regard normatif de la société.

Sources: Podcast et éducation artistique, (La Souffleuse) ; Le podcast, un média transgressif ? (Média Animation).





                                                                




































Illustration: Odile Brée.