Très jeunes, on nous apprend que le monde est divisé en deux genres. Grâce aux efforts des associations comme la Maison Arc-en-Ciel de Verviers interviewée dans ce dossier, la société prend conscience de l’existence des différentes identités de genres.

Toutes les personnes ont une identité de genre.

Pour la plupart d’entre elles, leur identité de genre correspond à leur sexe assigné à la naissance ; ces personnes sont cisgenres.

Certaines personnes ont une identité de genre qui diffère du sexe assigné à la naissance ; ces personnes sont transgenres.

Par contre, l’identité de genre n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle d’une personne : ce sont deux concepts complètement différents.


3 à 7 % des personnes naissent avec un sexe biologique qui ne correspond pas à leur identité de genre(s). Faire reconnaître leur droit à l’autodétermination est un parcours qui peut s’avérer compliqué, car il est soumis aux soubresauts des avancées sociales et législatives.

Des avancées ont eu lieu : certaines procédures administratives ont été simplifiées, les personnes transgenres osent faire leur coming-out plus tôt qu’il y a dix ans et commencent à être plus visibles dans la société.

Il reste pourtant du chemin à parcourir pour qu’elles bénéficient des mêmes droits, des mêmes chances et de la même considération humaine.

Les concepts d’identité de genre et d’orientation sexuelle se retrouvent sous le sigle LGBTQIA+ (voir notre lexique ci-dessous). Des personnes issues de la communauté LGBTQIA+ s’unissent ainsi pour lutter contre la discrimination qu’elles peuvent vivre, et non parce qu’elles se définissent toutes de la même façon.



Sources:
Sortir d’un monde binaire, Le Ligueur, 25.09.18
LGBTQIA quoi?, Analyse Femmes Prévoyantes Socialistes, 2019


Lexique
Diversité sexuelle, l’importance des mots

Avec Sacha Renard de la Maison Arc-en-Ciel, passons en revue le lexique LGBTQIA+, qui s’est élargi au fur et à mesure des années.

LGBTQIA+, cela peut vous sembler beaucoup, mais il faut simplement revenir un peu en arrière pour comprendre. Au commencement du mouvement LGBT, dans les années 1970, les définitions d’orientations sexuelles et genres étaient relativement limitées. On parlait surtout d’homosexuel·les et gays. Au fur et à mesure, certaines personnes ont ressenti le besoin de s’éloigner des définitions classiques et se redéfinir par de nouveaux termes.

Afin d’inclure ces "nouvelles" identités de genre et orientations sexuelles, le sigle de base "LGBT" a donc évolué, de manière à visibiliser et légitimer toutes les communautés.

L → Lesbiennes: femmes qui sont attirées par d’autres femmes.
G → Gays: hommes qui sont attirés par d’autres hommes.
B → Bisexuel·les: la bisexualité est le fait d’éprouver de l’attirance autant pour les femmes que les hommes. Ces attirances peuvent être simultanées ou non. Pendant certaines périodes de la vie, on préfèrera les personnes d’un sexe à celles d’un autre.
T → Trans (transsexuels ou transgenres) : la transsexualité, souvent abrégée par le mot "trans", est le fait de ne pas se définir par le sexe attribué à la naissance. Le terme transsexuel est souvent utilisé pour des individus qui ont subi des opérations de changement de sexe. Les individus ayant des revendications d’appartenance à un autre sexe, mais n’ayant pas franchi l’étape de l’opération, sont souvent qualifiés de personnes transgenres.
Q → Queer: sa définition est un peu plus floue, mais le terme est finalement très simple à comprendre : une personne se dit queer quand elle ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle, ou ne se sent pas appartenir à un genre défini.
I → Intersexes: les personnes intersexes sont des personnes nées avec des variations sexuelles physiques, hormonales ou chromosomiques, auxquelles on ne peut assigner un genre binaire (homme ou femme).
A → Androgynes: qui se définissent quelque part entre les genres homme et femme, et notamment à travers leur apparence et tenue vestimentaire. Asexuel·les: qui n’éprouve aucune attraction sexuelle, que ce soit envers soi ou d’autres personnes). Agenres: qui rejettent entièrement ou partiellement l’idée même du genre). Aromantiques: qui ne ressentent pas de sentiments amoureux…
+ → Indique une volonté d’inclure toutes les autres personnes qui en ont été oubliées ou que l’on ne peut nommer.

Source: drapeau-lgbt.fr


Interview
"Questionner le genre, c’est remettre en cause un pilier fondamental"

Rencontre avec Jonathan Bovy et Sasha Renard, de la Maison Arc-en-Ciel de Verviers, une maison ouverte et inclusive où chacun·e peut exprimer sa personnalité.



Pouvez-vous me présenter la Maison Arc-en-Ciel?

Jonathan Bovy: La MAC existe depuis le 11 novembre 2013. Nous avons commencé en tant qu’association membre, puis, en 2018, comme structure agréée par la Région Wallonne en initiative locale pour l’intégration. Nous avons la spécificité de travailler avec des personnes en demande de protection internationale, qui ont fui leur pays pour des raisons d’homophobie ou de transphobie. Nous avons actuellement une équipe de 3 personnes à temps partiel et des bénévoles pour le service social. Nous développons également un pôle activités, avec des moments festifs, pour créer du lien entre les personnes.

La Belgique est l’un des premiers pays dans le monde en termes de droits LGBTQIA+, savez- vous ce qui nous vaut cette bonne place?

J.B.: En Belgique, je crois que le fait d’intégrer des communautés fait partie de notre culture. Et puis, les différents gouvernements ont d’emblée eu à coeur les questions LGBT. Il y a encore de l’information et de la sensibilisation à faire, mais on sent qu’on est dans une bonne dynamique. Si on prend l’exemple du mariage pour les couples de même sexe, en France, on voit que cela a provoqué des émeutes en 2013. En Belgique, la loi a été adoptée dans un climat serein en 2003.

Sasha Renard: L’ASBL Genres Pluriels, première association pour les personnes trans en Belgique, a beaucoup lutté et lutte encore pour que ces questions restent à l’agenda politique. En 2017, la loi a été modifiée pour faciliter le changement de genre et de prénom (Ndlr : cette loi supprime toutes les exigences médicales, autrefois nécessaires auprès des autorités publiques. À présent, seule une déclaration sur l’honneur suffit).

Quels constats peut-on faire sur Verviers en termes d’inclusivité, quelles sont les problématiques particulières à notre région?

J.B.: On nous rapporte peu d’agressions physiques sur l’arrondissement, on constate surtout de l’homophobie et de la transphobie systémique au niveau de l’emploi et du logement. Et puis, pour les personnes trans, les complications administratives sont particulièrement lourdes. Même notre numéro national est binaire, on nous demande notre genre partout alors que ce n’est pas nécessaire! Il y a plusieurs semaines, nous avons subi une agression homophobe au sein de la MAC. Cela reste un fait très isolé, et pour nous cela s’est plutôt bien terminé. Néanmoins, nous insistons sur l’importance de signaler ce type de faits, directement à la police ou via l’organisme UNIA. Cela permet d’augmenter les statistiques et d’objectiver les actions du gouvernement.

Comment se passe votre travail de sensibilisation à ces questions?

J.B.: Outre nos permanences et notre travail d’accompagnement, nous allons à l’extérieur pour informer, déconstruire, débattre. Nous nous adressons aux ASBL de Verviers et alentours, les écoles, les cercles citoyens, tous les intervenants de première ligne. Les personnes moins concernées seront plus sensibles à nos activités, c’est aussi l’occasion de faire passer des infos dans un cadre plus festif et convivial. Pas besoin d’être LGBTQIA+ ou d’avoir un proche concerné pour passer notre porte, notre philosophie et notre nom d’origine, c’est "ensemble autrement". L’idée c’est de créer du lien, de faire converger des gens d’horizons différents. Sortir des clivages hétéro/homo, trans/cis, les dépasser, voir quels sont nos points communs, cela permet de conscientiser sur la réalité de vies de nos publics et inversement aussi. Notre public n’est pas exempt de comportements problématiques, il y a des LGBTphobies au sein des communautés et donc du travail à faire aussi entre nos membres.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la transidentité?

S.R.: Ce sont des personnes dont le genre qui leur a été assigné à la naissance ne correspond pas à leur vécu ou à leur ressenti. C’est une coupole large, qui peut comprendre aussi les personnes non binaires, qui ne se représentent pas uniquement en homme ou en femme.

Si certain·e·s pensent les transidentités comme "nouvelles", une "mode" ou une "passade" comme on l’entend parfois, ne serait-ce pas parce que ces dernières prennent de plus en plus de place dans le débat public?

S.R.: De plus en plus de jeunes personnes trans sont médiatisées, aujourd’hui on a le droit de se poser ces questions, alors qu’il y a 30 ou 40 ans c’était même impensable pour des personnes adultes.

J.B.: La thématique du genre est une composante identitaire très forte. Questionner le genre, c’est remettre en cause un pilier fondamental et cela peut effrayer. Toute notre société judéo-chrétienne est basée sur ce modèle binaire masculin-féminin.

S.R.: C’est compliqué de comprendre l’autre lorsqu’on ne se sent pas concerné par sa situation. Pour moi, comprendre des personnes non-trans, c’est aussi compliqué ! C’est très abstrait de se projeter dans le vécu de la personne que l’on a en face de soi.

La vision même du parcours de transition est assez stéréotypée, alors qu’il est propre à chacun·e…

S.R.: L’important, c’est le point de confort, quand on se sent bien dans son corps et dans son identité. Cela peut passer par un changement de nom, par un changement de la mention de genre sur la carte d’identité, mais pas toujours. Il y a des opérations parfois, une prise d’hormones, des opérations… C’est vraiment à la carte et modulable selon les besoins de la personne. Ce n’est pas facile de savoir où commencer quand on ne connaît personne, la MAC propose en ce sens une liste de praticiens bienveillants, qui connaissent le sujet. Nous essayons de les orienter pour obtenir un maximum de remboursements, car les suivis médicaux peuvent être très coûteux.

Quels sont les facteurs importants pour que les personnes transgenres puissent vivre sereinement leur transition?

S.R.: Avoir le respect de la personne et reconnaître le genre que la personne exprime, c’est déjà très important. Si une personne à une expression de genre féminin, genrez-là au féminin si c’est son souhait et utilisez son prénom d’usage, même si ce n’est pas encore officiel. Un entourage soutenant est également fondamental et déterminant.

J.B.: Notre travail s’inscrit de façon systémique, on accompagne les personnes concernées au premier plan, mais aussi leurs proches, qui ont aussi besoin d’être entendus.  

Info: Maison Arc-en-Ciel Verviers | Rue Xhavée 21, 4800 Verviers | 0495 13 00 26 | ensembleautrement.be | Facebook: macverviers
Ressource: pratiq.be – Nouveau site lancé par la Fédération des Maisons Arc-en-Ciel de Wallonie le 19 novembre. Plateforme régionale des associations "trans", "inter" et "queer".


Histoire
Les émeutes de Stonewall, aux origines de la Gay Pride et du mouvement LGBTQIA+



Le 28 juin 1969, les client·es d’un bar gay de New York se sont insurgé·es après une énième descente de la police dans l’un des seuls établissements de la ville où leur présence était tolérée. Un événement fondateur dans la lutte des droits de la communauté LGBTQIA+.

Stonewall Inn est un des rares bars gay de New York. À l’époque, les client·es n’ont pas le droit de cité dans ces établissements et sont régulièrement arrêtés lors de descentes de police. Mais cette nuit-là, iels décident de ne plus se laisser faire.

Jonathan Bovy, coordinateur de la MAC Verviers explique : "Il y a toujours eu des mouvements LGBTQIA+, mais je pense que celui-ci a été un tournant majeur."

Une figure marquante de cette lutte est sans aucun doute Marsha P. Johnson, parfois comparée à la Rosa Parks du mouvement LGBTQIA+. "Femme trans afro-américaine et travailleuse du sexe, Marsha P. Johnson a lutté pendant des décennies pour les droits LGBTQIA+. C’est elle la première qui a initié la révolte. Cet événement a été à l’origine des pride à travers le monde, ça a été aussi le début des revendications qui se sont structurées."



Sources:
Les émeutes de Stonewall, France Culture, Fiona Moghaddam, 28.06.2019
Qui est Marsha P. Johnson, la militante aux origines de la Pride?, Numéro Magazine, Amalie Hirou, 3.07.20