Début février, le Centre culturel de Dison et plusieurs partenaires proposeront un cycle consacré à la parentalité, et plus précisément à la monoparentalité avec "Chaleur Humaine".
La monoparentalité est aujourd’hui devenue banale. Elle représente une des principales formes familiales dans nos sociétés avec l’évolution des moeurs et la multiplication des couples qui se séparent. Au quotidien, cependant, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas toujours simple d’élever seul·e un enfant et, a fortiori, plusieurs enfants.
Exercice d’équilibriste où il faut sans cesse jongler avec le temps, les tâches multiples et variées du ménage, l’éducation, le budget, le travail ou autres occupations et obligations…
Il est difficile de parler de monoparentalité sans aborder la question de la précarité. Dans leur grande majorité, les familles monoparentales ont essentiellement à leur tête des femmes. Et, très souvent, elles constituent une population à risque de vulnérabilité socio-économique élevée.
INTERVIEW
"PRÈS DE LA MOITIÉ DES FAMILLES MONO VIVENT SOUS LE SEUIL DE PAUVRETÉ"
Entretien avec Stéphanie Gribomont, Coordinatrice du Centre d’appui familles monoparentales.
Le Relais Familles Mono est un dispositif d’aide et de soutien à l’accompagnement des familles monoparentales en Wallonie.
Dix-neuf travailleurs et travailleuses soutiennent ces familles via du travail social collectif et communautaire, depuis des points-relais implantés sur l’ensemble du territoire wallon.
Le centre d’appui accompagne quant à lui ces travailleur·euses dans l’exercice de leurs missions. Il veille également à porter la voix des parents solos auprès des représentants politiques, des médias et du grand public.
Comment définit-on la monoparentalité ?
Nous appliquons dans le cadre de notre dispositif une définition de la Ligue des Familles, qui se veut assez large. Il s’agit de tous ceux et toutes celles qui, à un moment de leur vie, se retrouvent en situation d’assumer seul·es l’hébergement et l’éducation d’un enfant, que ce soit de manière permanente, principale, égalitaire ou occasionnelle.
Ce sont en somme toutes les formes de parentalités qui impliquent d’être seul·es ou de se sentir seul·es dans l’accompagnement d’un ou de plusieurs enfant(s).
Nous avons toute une série d’indicateurs et de chiffres liés à la composition de ménages qui permettent d’appréhender ces situations ; mais il y a évidemment une réalité de monoparentalité vécue qui échappe à ces statistiques.
Il est compliqué de mettre en place des politiques publiques pour les parents solos, car la définition de la monoparentalité reste complexe. Une définition trop stricte pourrait exclure ou stigmatiser certaines personnes. Il y a autant de situations de monoparentalités que de parents solos.
C’est aussi une question qui évolue avec le temps : est-on toujours en situation monoparentale lorsqu’on se remet en couple ? Ou à partir du moment où quelqu’un d’autre vient habiter sous le même toit ? Est-on un parent solo uniquement lorsqu’on a la garde exclusive des enfants ?
Quelles sont donc les personnes que vous pouvez accompagner ?
Nous estimons devoir rester à l’écoute des personnes qui se sentent seules dans leur parentalité, parce que le conjoint est absent ou défaillant. À l’écoute également des parents, des mamans essentiellement, qui ne sont pas séparées de fait, mais qui sont en chemin vers la monoparentalité. Car le moment de la séparation est souvent une étape charnière, que ce soit pour des raisons économiques, des raisons psychologiques ou d’emprise, des violences… Sans appui, il est difficile de passer ce cap seule.
Nous ne demandons pas aux personnes des preuves de leur situation ou des compositions de ménage, nous souhaitons avoir un accueil le plus inconditionnel possible.
Pourquoi la monoparentalité est avant tout une affaire de femmes ?
Les chiffres wallons nous indiquent que près d’une femme sur trois est en situation de famille monoparentale. Cela représente 28 % des ménages avec enfant. Dans ces familles, près de 85 % des cheffes de famille sont des femmes. Cela signifie que dans 62 % des cas, les mamans ont soit la garde exclusive, donc 100 % du temps, soit une garde principale, donc plus souvent que le conjoint.
Ces statistiques nous montrent que ce sont les mamans qui assument de manière bien plus fréquente et intense la charge des enfants, que ce soit de façon monoparentale, mais pas uniquement.
Il y a cette lignée du soin qui incombe d’abord aux mères, et cela se traduit dans les faits.
Le fait d’être parent solo expose à un risque accru d’exclusions, lesquelles ?
La monoparentalité n’est pas un problème en soi ! Mais en effet, cela rend plus aiguë l’ensemble des difficultés que pourrait rencontrer une famille dans son parcours de vie ; que ce soit l’accès au logement, à l’éducation, aux loisirs, etc.
Le risque de pauvreté et de précarité est quatre fois plus grand dans une famille mono. Près de la moitié des familles mono vivent sous le seuil de pauvreté. Cela fragilise sur le plan économique et socio-économique.
Par exemple, il y a la pénalité vis-àvis de l’emploi lié à la maternité. En général, c’est la maman qui diminue son temps de travail, et donc perçoit des revenus moindres. Cela peut créer une dépendance plus importante au conjoint.
À cela s’ajoutent les différences de salaires qui existent toujours en Belgique entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, le fait que le réseau de crèches et de gardes d’enfants soit complètement saturé fragilise l’accès à l’emploi. Dans certaines communes, il y a seulement une possibilité de crèche pour trois enfants sur dix qui serait en âge d’y aller. En plus de la pénalité liée à la maternité, le réseau qui permettrait à des mamans de reprendre la voie du travail ou de la formation est tout à fait insuffisant.
Vous l’avez évoqué, il y a également dans certains contextes les violences intrafamiliales.
Oui et là encore, ce sont dans la majorité des cas les femmes qui en sont victimes. Des violences économiques, sexuelles, physiques, psychologiques qui peuvent être vécues avant la séparation, pendant, et même après.
Ces femmes doivent vivre avec ces violences et ses conséquences et, d’autre part, continuer à prendre en charge l’éducation, le soin aux enfants dans un contexte socio-économique difficile.
Quels sont les accompagnements proposés par le Relais ?
L’idée est de pouvoir réunir les parents solos, de leur permettre de faire "collectif" dans des espaces sécurisés, accessibles financièrement et symboliquement. Les actions ne seront pas les mêmes d’un territoire à l’autre, les sujets abordés varient, les activités également.
Cela peut aller du petit-déjeuner, des échanges sur des expériences de vie, des ateliers orientés sur la santé mentale, le bien-être, la gestion des émotions… Il peut y avoir des moments dédiés à l’acquisition de compétences avec des petites formations. Tout cela se discute avec les membres du groupe, car tout se construit à partir de leurs besoins et envies.
L’accès au loisir et à la culture est un droit qui n’est pas du tout acquis. Il est donc nécessaire et important pour le Relais de proposer des sorties collectives. Nous avons lancé également une permanence juridique gratuite et anonyme pour toutes les questions de séparation, de logement, de procédures en justice, etc.
Les travailleurs et travailleuses ne font pas de suivi individuel direct, mais connaissent les services et ressources sur leur territoire, ce qui permet de réorienter les personnes vers d’autres aides potentielles. Le Relais est conscient de la nécessité d’activer les leviers disponibles pour lutter contre le non-recours aux droits des parents solo !
Quels sont les effets positifs ?
Une maman qui se sent mieux, qui peut recréer du lien, qui rentre en contact avec un collectif d’autres femmes, qui fait des sorties avec ses enfants… Cela a beaucoup de bienfaits, d’une part dans le lien parent- enfant, car cela permet de se retrouver dans un cadre sécurisé et sécurisant, d’accéder à des activités gratuites et sans conditions… Même si le Relais est le seul mandaté par la Région wallonne pour mener ces actions, il y a bien d’autres associations qui sont attentives à ces situations et qui agissent également en soutien vers les parents solos. Agir sur la précarité des parents, c’est agir sur la vie des enfants.
Il a été question de la création d’un véritable statut pour les familles mono, quelle est la position du Relais sur ce projet ?
Certains programmes politiques ont en effet évoqué la création d’un statut de parent solo. Il faut faire preuve de prudence visà- vis de cette proposition. À quels avantages sociaux ou financiers ce statut donnera-t-il droit ? C’est encore assez nébuleux.
La création d’un statut nécessite d’avoir de vraies mesures pour lutter contre la précarité et l’isolement des familles monoparentales. Or, on en a discuté plus tôt, la définition en ellemême est délicate. Est-ce qu’on parle de parents solos fragilisés ? Des parents qui ont la garde majoritaire ? Il y a le risque d’exclure une population concernée qui serait en droit de bénéficier de ces avantages, mais pas forcément en mesure de produire des « preuves » de sa situation.
Le Réseau de lutte contre la pauvreté a sorti un rapport expliquant, entre autres, qu’à partir du moment où l’on envisage la création d’un statut, c’est que les minima sociaux de base sont trop peu élevés ! Si les politiques publiques de lutte contre la pauvreté sont efficaces, il n’y a pas besoin de statut.
Quels sont les enjeux actuels qui nécessitent le plus d’attention et de mobilisation actuellement ?
Notre priorité est de soutenir les femmes victimes de violence, de donner un soin social, juridique, psychologique. Travailler aussi sur les politiques plus structurelles d’accès au logement, au soin, à la santé. Permettre de continuer à faire vivre les lieux de liens, les moments où l’on va pouvoir avoir du répit, sortir de chez soi, se remettre en chemin vers quelque chose. Il faut pouvoir donner les moyens aux acteurs et actrices de terrain de continuer ce travail.
Pour réfléchir à une politique publique, il faut l’imaginer dans le prisme du vécu de la maman solo avec deux enfants. Si ça marche pour elle, alors ça marche pour le reste de la population. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il faut revoir les mesures.
La société reste empreinte de représentations stéréotypées de la famille en général et de la mère en particulier.
Les mamans sont tiraillées entre devoir être une bonne mère, parce que c’est ce qu’on attend d’elles, et des phénomènes de stigmatisation sur ce qu’elles sont en train de vivre. Des réflexions du type "il fallait bien choisir ton mari" ou "si tu ne t’étais pas séparée, tu ne serais pas dans la mouise". Cette injonction à être des mères parfaites alors qu’elles sont fragilisées de toutes parts, c’est la double peine. Il est important de pouvoir sensibiliser sur ce qu’est la vie de maman solo et ce que cela engendre au quotidien. Écoutez ce qu’elles ont à vous dire !
INFOS
Si vous souhaitez Rencontrer d’autres parents, créer des liens avec vos voisin·e·s, participer à un moment convivial, échanger sur vos difficultés, partager des bonnes pratiques et des tuyaux, souffler, créer une initiative dans votre quartier... Prenez contact avec le ou la travailleur ·euse point-relais de votre région pour connaître les activités en place dans votre commune.
À Verviers : Cécile Pery | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | 0477 78 24 95 | Centre de Service social Mutualité chrétienne Verviers (rue Lucien Defays, 77 à 4800 Verviers)
STATISTIQUES
1/5
La monoparentalité concerne environ une famille sur cinq en Belgique et entre 65 % et 85 % des parents solos sont des femmes.
14,5 %
La privation sociale et matérielle sévère s’élève à 14,5 % pour les familles monoparentales, contre 6,1 % pour l’ensemble de la population.
63 %
63 % des parents ont du mal à s’en sortir financièrement dans les mois qui suivent une séparation.
Données issues du rapport 2024 du Relais Familles Mono sur les mamans solos précaires en Wallonie.
EN LIEN
CHALEUR HUMAINES "PARENTS MONO, MAIS PAS SOLOS!"
Interroger sa parentalité, discuter, échanger, créer, s’outiller !
En février, à Dison, deux journées à s’octroyer en tant que parents, mais aussi plein d’activités sympas avec les enfants !
LUNDI 2 FÉVRIER
"Être parents" par Alvéole Théâtre
10h | Le Tremplin
Découvrez ce spectacle qui aborde avec humour les difficultés que rencontrent tous les parents.
Atelier "Broder le cordon" avec Élodie Delhez
13h>16 h | CC Dison
Plongez dans l’univers intemporel de la broderie en retravaillant des images autour de la parentalité.
VENDREDI 6 FÉVRIER
Écoute collective et débat autour du podcast "Paroles de daronnes" avec Action et recherche culturelles
10h | CC Dison
Diffusion en avant-première du dernier épisode, où des mamans verviétoises et disonaises s’expriment sur les violences judiciaires et économiques.
Autodéfense pour femmes avec le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion
13h>16h | CC Dison
Un atelier pour prendre conscience de ses droits et de sa force, développer son estime et sa confiance en soi en osant se faire respecter !
Gratuit. Soupe à petit prix chaque temps de midi !
Inscriptions souhaitées pour chaque activité.
Vous venez en groupe ? Vous êtes professionnel·le du secteur social, éducatif ou culturel ? Contactez-nous pour organiser votre venue !
MAIS AUSSI...
Danse parent-enfant (4-10 ans) > 5 ateliers le vendredi 23.01, 30.01, 6.02, 13.02 et 20.02.26, de 17h à 18h.
Ciné doux doux "Linda veut du poulet" (familial – dès 6 ans), dimanche 1.02.26 à 14 h 30.
Lecture et lien parent/enfant le mercredi 4.02.26 : "L’imaginaire des bébés" (0-3 ans) à 10h30 (6 bébés max.) + "Heure du conte" (4-8 ans) à 16h30 (12 enfants max.)
Bibliothèque de Dison. Gratuit Inscriptions obligatoires : 087 33 45 09 ou Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Atelier "upcycling" parent-enfant, samedi 7.02.26 de 13h30 à 16h30 à l’Espace Solid’R. Gratuit
Bal folk le samedi 14.02.26 à 20h.
"Chaleur humaine" est un projet coordonné par le Centre culturel de Dison, en partenariat avec le Relais Familles Mono de Verviers, le CPAS, la Bibliothèque et le Plan de Cohésion sociale de Dison