Les élèves ont déserté les locaux, le temps semble suspendu dans les classes. Y trônent encore quelques créations artistiques, des cahiers, des panneaux invitant à respecter les règles de savoir-vivre pendant la récré.
Et aussi, au détour d’un couloir, une affiche, lançant un "ça va bien aller!" orné de couleurs, une façon de tenir tête au méchant virus qui a chamboulé l’année scolaire de milliers d’élèves.
Contrairement aux derniers mois, le calme qui règne dans les écoles de l’entité est habituel à cette époque de l’année. Nous sommes début juillet, et les professeurs sont soulagés d’avoir pu retrouver les enfants avant l’été. Même si ce fut court, les directrices et enseignantes des écoles interviewées ci-après s’accordent à dire que c’était nécessaire, voire urgent, surtout d’un point de vue social.
Rencontre avec quatre écoles de la commune – Fonds de Loup, Luc Hommel & Mont, St-Laurent et Ste-Marie – qui évoquent ce qu’elles viennent de traverser, et les challenges qu’elles s’apprêtent à relever à la rentrée.
École communale de Fonds de Loup
CORINNE CAUFRIEZ ET VALÉRIE MALEMPREZ INSTITUTRICES MATERNELLES
Un rôle essentiel
Assises sur les chaises de la petite section, à hauteur d’enfants, Mesdames Caufriez et Malemprez parlent de leur métier avec une passion communicative: "Nous avons un rôle social important. Pendant le confinement, nous savions que nous ne pouvions pas le remplir. Et puis, il y a aussi ce qui a trait au cognitif et à la dextérité. Que ce soit en maternelle ou en primaire, les enfants ont besoin de manipuler, de toucher, de tout vivre en 3D, pas derrière un écran".
Mais oui, mais oui, l’école est finie
À la mi-mars, quand les mesures sanitaires sont prises, c’est le choc : "Nous n’avons pas eu le temps de parler, d’expliquer, de simplement nous dire au revoir... L’histoire de notre vie de classe s’est arrêtée". Pendant le confinement et la fermeture des écoles, Corinne Caufriez était également sou- cieuse des difficultés particulières à certains enfants de sa classe : "J’ai des enfants dont la langue maternelle n’est pas le français, qui avaient fait de beaux progrès. Il faudra un moment pour re- prendre un peu possession de la langue après plus de cinq mois d’interruption".
Atténuer le manque
Les institutrices ont tenté de garder le lien avec les enfants : "Une plateforme a été créée par la Direction, nous pouvions y déposer des enregistrements, des jeux... Nous avons aussi envoyé par courrier ou déposé personnellement des idées d’activités. Il y a eu quelques contacts par téléphone également. Les retours que nous avions étaient surtout affectifs, cela permettait d’avoir de leurs nouvelles".
Une reprise en toute sécurité
Pour Valérie Malemprez, la reprise début juin s’est effectuée dans des conditions optimales : "Tout avait été bien planifié par la Direction, son équipe et le personnel d’entretien, ça a été un gros travail logistique, fait avec sérieux, avec aussi le souci d’un bon accueil des élèves. Ça a été un réel bonheur de retrouver les enfants".
Des parents ont toutefois préféré ne pas mettre leurs enfants à l’école : "Nous avons des familles qui avaient des craintes, qui ne voulaient pas prendre de risques. On peut tout à fait les comprendre".
Septembre, retour de l’obligation scolaire
Avec le Pacte d’Excellence, l’école sera désormais obligatoire dès la 3e maternelle. Début juin, Caroline Désir, Ministre de l’Enseignement, manifestait son intention de restaurer l’obligation scolaire en septembre, ce qui n’avait pas été établi en mai. Madame Caufriez ajoute : "C’est une bonne chose, cela donne des incitants à recommencer, à revenir dans une vie sociale".
Une rentrée (presque) normale?
À l’évocation de la rentrée, Corinne Caufriez conclut : "Il faudra se donner le temps de se retrouver, de s’écouter, de noter les réactions, de se donner des priorités. Nous préférons partir dans l’idée qu’on recommence normalement, et si de nouvelles mesures tombent, nous nous adapterons". Valérie Malemprez ajoute: "Nous avons déjà plein de projets, des ateliers théâtre et chant, des sorties... Psychologiquement, on a besoin de pouvoir se projeter!".
Écoles communales Luc Hommel & Mont
CHRISTELLE HERMAN, DIRECTRICE
Une directrice, deux écoles
Christelle Herman a la particularité d’être à la tête de deux établissements avec des réalités de terrain très différentes : "Chaque école est classée en fonction d’un indice socioéconomique, qui se base notamment sur le revenu des parents et une série d’autres critères. L’échelle va de 1 à 20, 1 pour le plus bas, 20 pour le plus haut. L’école Luc Hommel se situe au niveau 1, l’école de Mont au niveau 12".
École à la maison, inégalités dans l’apprentissage
Au moment d’aborder le potentiel retard sur la matière généré par la COVID-19, Mme Herman répond : "J’essaye de relativiser, tout le monde est dans le même cas. Je ne dis pas que cela ne me fait pas peur, mais je pense que cela va se rééquilibrer à un moment donné, c’est plus l’aspect social qui nous a inquiétés".
Cette longue période d'arrêt pourrait-elle donner lieu à une certaine forme de décro- chage scolaire? Pas selon la Directrice : "En primaire, s’il y a décrochage, c’est plutôt de la part des parents. Les enfants étaient contents de revenir, et ce dans les deux écoles. Ça a été une réelle bouffée d’oxygène. L’instituteur·trice est une figure très importante, c’est un repère. Pour les parents aussi d’ailleurs!". Christelle Herman constate également les inégalités scolaires que cette période a engendrées : "Certaines familles se retrouvaient dans l’impossibilité de suivre l’apprentissage de leurs enfants. Le contact était aussi important en ce sens, c’était une façon de montrer qu’on ne les oubliait pas!".
Par ailleurs, l’enseignement via le numérique a montré ses limites, tant au niveau de l’accès que de la pédagogie: "Rien ne remplacera jamais l'enseignant·e. Je ne suis pas contre le numérique, cela fait partie de nos vies, mais notre rôle est d’accompagner les enfants dans son utilisation. En favorisant les écrans, on a oublié énormément d’enfants, celles et ceux chez qui il n’y a parfois qu’un ordinateur par famille, ou une connexion internet limitée".
Des mesures sanitaires complexes
La Directrice regrette le manque de concertation entre le gouvernement et le monde enseignant concernant les mesures de reprise : "Je trouve dommage d’avoir parfois été informée par la télévision, on ne nous a pas demandé si nous étions capables d’accueillir tous les enfants. Si nous avions pu prendre part à la réflexion, nous aurions pu rendre compte de nos réalités".
La mise en place de la réouverture a donc été ardue et motif à quelques nuits blanches. Les statistiques de retour se sont toutefois avérées satisfaisantes: "En primaire à Mont, nous étions entre 75 et 80 % de nos élèves. À Luc Hommel c’était un peu moins, cela dépendait des classes".
Respecter le rythme de chacun·e
Le maître-mot de cette rentrée sera la différenciation : "Cela fait des années qu’on en parle, ce sera une nécessité à plus d’un titre pour cette rentrée scolaire particulière, il faudra que l’on puisse faire de la différenciation entre les élèves qui ont pu bénéficier d’un suivi à la maison et celles et ceux pour qui cela n’a pas été possible".
École St-Laurent et Ste-Marie
MURIELLE JACOB, DIRECTRICE
Mise en place du Pacte
Murielle Jacob est la nouvelle Directrice de l’École St-Laurent et Ste-Marie. Sa prise de fonction en septembre coïncide avec la mise en place du plan de pilotage dans le cadre du Pacte d’Excellence: "Les premiers élèves qui démarrent en septembre vont être le fer de lance du tronc commun. À leur arrivée en 6e primaire, il n’y aura plus de CEB. En 3e, les cours de langues commenceront. C’est vraiment la mise en pratique du pacte qui se mettra en route".
Attention aux émotions!
Pour l’équipe enseignante, le défi sera d’amorcer cette nouvelle année scolaire avec sérénité, en tenant compte des difficultés individuelles : "Nous avons reçu des directives de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui soulignent l’importance de tenir compte des difficultés émotionnelles des enfants avant de penser à l’apprentissage. Je compte vraiment sur mon équipe pour trouver cet équilibre entre la matière qui n’a pas été vue et l’attention portée à leurs ressentis. Nous avons déjà pris des dispositions pour essayer de travailler par groupes de niveaux, pour nous ajuster au mieux à l’état d’avan- cement de chaque enfant".
La Directrice compte également sur la FWB pour épauler les écoles dans ce processus : "Je sais que nous aurons des outils au niveau des conseillers pédagogiques pour aider les enseignant·e·s qui ne sauraient pas par où commencer. Les différences de niveaux se sont accentuées pendant la quarantaine, il y a beaucoup de choses à mettre en place pour ne pas pénaliser les enfants qui ne sont pas revenus à l’école avant les congés d’été".
Juin, un retour serein
Concernant la reprise de juin, Murielle Jacob rejoint ses consœurs des autres écoles interviewées : "La situation familiale de certains enfants rendait plus que nécessaire le fait de revenir. L’école est un lieu où les relations sociales se créent, cela donne un rythme aussi. Les enfants fonctionnent beaucoup avec les habitudes. Environ 60 % des élèves sont finalement revenus en juin".
La logistique a été plutôt décontractée, notamment grâce à son prédécesseur, Luc Hupperts : "Il a été très proactif, nous avons eu la chance de pouvoir organiser assez facilement la préparation des locaux. Nous avons pu, dans la mesure du possible, fêter le départ de Monsieur Hupperts à sa juste valeur".
Lexique
Pacte d’excellence: ensemble de réformes qui a pour objectif de renforcer et améliorer l’enseignement. Le ministère de l’Enseignement prévoit une diminution globale d’au moins 50% des redoublements d’ici 2030 pour l’ensemble des années du tronc commun.
Tronc commun: mesure du Pacte d’excellence qui vise à ce que tous les élèves entrant en maternelles suivent le même tronc commun de cours, jusqu’à l’âge de quinze ans (ou troisième année secon- daire). Ils seront rejoints par les enfants qui entreront en deuxième primaire en 2021.
Différenciation: capacité à analyser et à ajuster sa pratique pédagogique ainsi que l’environnement d’apprentissage de façon à tenir compte des prédispositions et des caractéristiques d’un·e ou plusieurs élèves au sujet d’un objet particulier d’apprentissage.
Illustration: Odile Brée